Le plus souvent, nous répondons à des appels de propriétaires qui ont acquis une propriété d'une certaine forme et d'une certaine taille pour des raisons variées (coup de cœur, localisation, héritage, opportunité, etc.).
Lorsque nous analysons une situation il y a évidemment des critères qui sont bien plus pointus et qui requièrent des semaines voire des mois d'études, d'observation et d'analyses.
Mais le travail de tout designer, qu'il soit pro ou amateur, sera largement facilité par le respect d'une série de facteurs qui sont listés ci-dessous. C'est ce que nous utilisons depuis plus de dix ans, et c'est ce qui nous guide dès que nous entrons en relation avec un projet.
Je tiens à préciser qu'il y a deux choses qui pourraient vous rebuter ;
le degré d'expertise requis pour ne pas se laisser influencer négativement (il y a une formation en ligne pour vous y aider : l'échelle de permanence qui analyse chaque critères point par point).
la "perfection" que vous souhaitez observer pour votre futur projet. Comme quand vous achetez un bâtiment pour y habiter, il faut que vous regardiez quels sont vos critères non négociables et ceux qui peuvent faire l'objet de concessions.
1. Qualité et type de sol
Analyse du sol basique : pour connaître sa texture (argile, limon, sable) - une simple décantation peut faire l'affaire.
Analyse du sol avancée : sa structure, son pH, sa teneur en matière organique, etc. Cela est fait généralement en laboratoire, qui vous renseigne sur la capacité d'échanges cationiques aussi bien que le taux d'humus et des conseils culturaux.
Présence de contaminants : assurez-vous qu'il n'y a pas de polluants ou de toxines dans le sol, surtout si le terrain a été utilisé pour des activités industrielles dans le passé, voire même de l'agriculture conventionnelle douteuse, en particulier si vous souhaitez vous orienter en bio. Cette analyse est à demander au même labo mais peut s'avérer plus coûteuse.
2. Disponibilité de l'eau
L'eau c'est la vie. Surtout actuellement avec les changements climatiques que nous connaissons. Comme l'énergie renouvelable, l'eau est une ressource périodique qu'il faut stocker et répartir pour une utilisation ultérieure.
Sources d'eau : présence de rivières, ruisseaux, lacs, puits, ou la possibilité d'en creuser un.
Régime de pluie : les précipitations annuelles et surtout leur distribution au cours de l'année. Dans le nord de la France, il pleut principalement en hiver, tandis que dans le Sud-Est, il pleut principalement en automne et au printemps de manière assez resserrée.
3. Topographie / Géomorphologie
Le profil topographique est très important. Il aura des influences sur la logistique (voir point 6), et aussi sur les comportements de l'eau, des ruissellements, la capacité d'utilisation de la gravité, de l'éolien, etc.
Profil(s) de(s) pente(s) : influence la direction et la vitesse de l'écoulement de l'eau, la susceptibilité à l'érosion, etc.
Zones humides : présence de marécages, zones inondables, etc.
En particulier, il est important de lire la topographie pour en déchiffrer les lignes directrices, les points-clés et les lignes-clés qui feront en réalité la construction de toute l'architecture de votre projet.
4. Climat
Bien qu'actuellement changeant (c'est à dire : incertain), le climat est une des variables qui sont les plus stables. On peut donc aisément se référer aux standards que l'on trouve pour la région de l'étude, tout en intégrant l'incertitude relative au réchauffement global.
Cette incertitude nous poussera, durant le processus de design, à élaborer des solutions pour augmenter la résilience et faire face aux aléas.
Il reste cependant pertinent de projeter d'autres installations que celles habituelles, comme la plantation d'un vignoble dans le Nord (ce qui se fait de plus en plus).
Température : moyennes annuelles, extrêmes saisonniers (les extrêmes définissent vos facteurs de résilience)
Vent : direction dominante, vitesse, fréquence.
Ensoleillement : durée et intensité du soleil.
5. Biodiversité existante
En tant qu'entrepreneur-euse du vivant, n'omettez pas de faire un état des lieux correct de la biodiversité. Positivement (la densité de faune et de flore sauvage) ou négativement (la pression animale prédatrice ou des plantes envahissantes).
Même sommaire au départ, la qualité du chant des oiseaux devrait vous aider à écouter ce qui vous entoure.
Faune et flore : présence d'espèces bénéfiques ou potentiellement nuisibles.
Écosystèmes voisins : forêts, prairies, zones humides, etc.
Si vous n'observez qu'un champs de patates, référez-vous à ce qui l'entoure pour extrapoler le potentiel de biodiversité.
6. Taille et forme du terrain
Le plus souvent, nous répondons à des appels de propriétaires qui ont acquis une propriété d'une certaine forme et d'une certaine taille pour des raisons variées (coup de cœur, localisation, héritage, opportunité, etc.).
Cela veut dire que les enjeux économiques et agronomiques sont à "faire rentrer" dans les proportions de la propriété déjà acquise.
Si vous n'en êtes pas encore à ce stade, vous avez encore tout le loisir de sélectionner ce qui vous convient (dans la mesure de ce qui est disponible…) :
Tenez compte du fait qu'il n'y a pas de terrain idéal.
Si possible, évaluez déjà vos besoins, vos intentions, une ébauche de souhaits économiques etc. Cela vous aidera à mieux choisir.
Les dimensions : suffisamment grand pour vos besoins, mais aussi adaptable à la rotation des cultures, à l'agroforesterie, etc. (et pas trop grand … car tout ce qui vous appartient sera à gérer !).
Logistique : accès facile pour le travail et la logistique. Si ce n'est pas idéal, vous pourrez façonner cela vous même.
7. Historique d'utilisation du terrain
Pratiques antérieures : si le terrain a été surexploité ou traité avec des produits chim
iques.
Bâtit : présence de bâtiments ou d'infrastructures existantes.
Vous trouverez déjà une manne d'informations visuelles et administratives sur les géoportails nationaux qui vous permettront de remonter dans le temps, d'y voir des photos aériennes, de collecter des données cadastrales, des pratiques culturales (qui doivent être déclarées, etc.).
8. Légalité et réglementations
Ce n'est pas spécialement ce qui vient en premier à l'esprit quand on cherche un lieu, d'autant plus que cela peut s'avérer rébarbatif. Néanmoins, des projets entiers se sont réalisés ou on du être abandonnées à cause de certains aspects législatifs ! Pensez aux zones Natura 2000, aux réserves naturelles, aux droits de préemption, aux servitudes.
Restrictions d'utilisation : certaines zones peuvent avoir des restrictions pour l'agriculture ou la conservation.
Droits d'eau : l'accès et l'utilisation de l'eau peuvent être réglementés.
9. Accessibilité
L’accessibilité concerne aussi bien l'interne : logistique, circulation, zones de retournement, pâtures, plantations, largeur et longueur, que l'externe :
Proximité des marchés : pour vendre vos produits. Quand on parle de marchés, on doit aussi tenir compte des petits magasins aux alentours qui pourraient être intéressés par de la revente, mais aussi certaines grandes distributions qui au niveau local mettent en avant leur terroir. De nos jours, pour certains produits il est aussi possible de vendre en ligne.
Proximité des fournisseurs : pour acheter des intrants ou des équipements.
Accès au terrain : rue large et dégagée, entrée facile, possibilité de faire demi-tour, accès pompier,… si la rue est une impasse, ou qu'elle est fort résidentielle, ne négligez pas la nuisance que pourrait occasionner le trafic pour de l'auto-cueillette par exemple. Cela pourrait susciter une levée de boucliers dont vous vous passeriez bien.
10. Communauté locale
Nous dirions que si vous n'êtes pas du coin, il faudrait avant tout vivre un peu la région. Connaître ses us et coutumes, la sensibilité de ses habitants, bref que vous y passiez quelques vacances pour voir si vous vous y plaisez bien.
Relation avec les voisins : potentiel de collaboration ou de conflits.
Savoir-faire local : présence d'autres agriculteurs de la même mouvance (agroécologie, bio, régénératifs, permaculturels,…) ou d'organisations de soutien.
11. Budget et prix
Suivant les configurations, et le prix foncier du terroir où vous souhaitez vous implanter, il y a de fortes chances que le terrain que vous envisagez soit en réalité … ce qui coûte le moins cher.
Coût du terrain : assurez-vous qu'il est dans votre budget et ne négligez pas les frais annexes (notaires, légaux analyses, expertises, …)
Coûts annexes : aménagement, infrastructure, restauration du sol si nécessaire, bassins, serres, chemins, matériel, main d’œuvre etc..
12. Potentiel d'expansion
Voici une seconde raison pour laquelle il ne faut pas voir trop grand : vous pouvez toujours vous agrandir par la suite (ou même convenir de synergies culturales avec des entrepreneurs voisins - cela arrive régulièrement).
Analysez votre voisinage : si vous prévoyez d'agrandir votre ferme à l'avenir, y a-t-il des terrains adjacents disponibles?
Prendre le temps de bien évaluer un terrain en fonction de ces critères vous aidera à créer une ferme régénérative résiliente, productive et durable.
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